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Afrique : appel à l’inclusion et à la mobilisation des patients dans la recherche en santé

Oluwafemi Ajayi, Gail Sickle Initiative

Patient est un terme générique qu’on utilise à toutes les sauces en santé. Et si nombre de continents ont découvert que le fait de combiner des médicaments et des traitements non pharmacologiques permettait d’obtenir de meilleurs résultats cliniques et de centrer les approches sur le patient, l’Afrique continue d’accuser un retard. J’en sais quelque chose : je vis avec la maladie falciforme, qui est plus prévalente en Afrique subsaharienne que partout ailleurs. Face à la fréquence élevée de ce diagnostic, on est en droit de se demander ce qu’il en est des autres maladies comme le cancer, le diabète ou l’arthrite.

L’une des causes les plus évidentes pour l’inadéquation des résultats cliniques en Afrique est l’absence de mobilisation et d’inclusion des patients dans la recherche. Certains professionnels de la santé du continent ne reçoivent pas de formation adaptée sur les soins axés sur le patient. Par exemple, au Nigeria, un bon pourcentage du personnel infirmier est dit auxiliaire. Bien que Google définisse ce terme comme « offrant une aide ou un soutien supplémentaire », le personnel infirmier auxiliaire, au Nigeria, est en fait un personnel formé sur le terrain plutôt que sur les bancs d’école, souvent dans des programmes aux ressources insuffisantes et sans normalisation. Ainsi, les patients deviennent des sujets d’apprentissage de « l’art de la médecine et des soins », et ce, jusqu’à ce que les infirmières et infirmiers acquièrent suffisamment d’expérience pour occuper des postes de choix dans les hôpitaux ou assurer un service à domicile. De plus, certains médecins du Nigeria agissent comme s’ils faisaient une fleur aux patients en acceptant de les traiter, une mentalité qui doit changer. Et comme si ce n’était pas assez, l’Afrique subsaharienne compte très peu d’organisations réalisant des essais cliniques et des études en collaboration avec les patients.

Je me rappelle ma première crise vaso-occlusive à mon retour d’Afrique du Sud. J’ai été admis à l’hôpital parce que mon corps supportait mal les médicaments qu’on m’avait donnés. Ma valeur d’hématocrite (HCT) – le pourcentage de globules rouges dans mon sang – avait chuté à environ 13 %, et j’étais dangereusement pâle. Après quelques jours, le médecin qui surveillait mon état a fini par me demander pourquoi je me donnais la peine de faire un doctorat, car selon lui, la maladie falciforme était « un arrêt de mort », et je n’en avais plus pour longtemps. Vous imaginez bien à quel point ça m’a traumatisé, moi qui essayais déjà de me relever d’une crise difficile! Si un médecin véhicule une telle mentalité, aussi bien dire que c’en est fait de ses patients.

Ce que certains professionnels de la santé ne comprennent pas, c’est que les patients, tant pour la communication de leurs expériences vécues que pour leur participation aux essais cliniques, sont essentiels à la recherche en santé. Dans la communauté de la maladie falciforme, il existe un médicament présenté comme une panacée. Or, c’est malheureusement faux, puisqu’il n’y a pas deux patients identiques. J’espère, par mon témoignage sur ce blogue, motiver les entreprises pharmaceutiques, les chercheurs et universitaires et les autres organisations axées sur l’inclusion de la patientèle à venir en aide à l’Afrique. Il faut écouter les patients, leur donner l’occasion de partager leurs expériences vécues et de participer à des projets de recherche pour améliorer les résultats cliniques.

Qu’en est-il du développement de la capacité et de la diversité dans l’inclusion et la mobilisation des patients? Quel rôle les associations de patients jouent-elles dans cet effort? Les patients sont-ils contraints d’en dévoiler plus qu’ils n’aimeraient? Devraient-ils se prosterner devant les professionnels de la santé qui leur portent secours? C’est la tête pleine de ces questions et de confusion que je suis arrivé au congrès PxP. Mais après trois jours, j’y voyais plus clair, j’étais plus informé, et j’avais rencontré des gens avisés. L’Afrique pourrait-elle avoir des initiatives comme PxP, où la voix des patients est la priorité? Où l’on comprend que leurs expériences vécues sont la fondation même de la recherche en santé? N’oublions pas que les histoires ne sont jamais mieux racontées que par la personne qui les a vécues.