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L’affiliation des patients et du public dans les articles scientifiques : une ambiguïté gênante

Tel que publié précédemment sur le blog de l'IALA ici

Par Dawn P. Richards, patiente partenaire et fondatrice de Five02 Labs à Toronto en Ontario (Canada) et Jim Elliott, défenseur des droits des patients dans la recherche au pays de Galles (Royaume-Uni)

La contribution de patientes, de patients et de membres du public à la rédaction d’articles scientifiques se généralise et projette sur le devant de la scène la question épineuse de leur affiliation. Il est en effet tenu pour acquis que les personnes qui soumettent des articles scientifiques exercent professionnellement dans le milieu de la recherche universitaire, dans les services de santé ou dans l’industrie et possèdent à ce titre une affiliation à un établissement, ce qui ne s’applique pas aux patientes, aux patients et aux membres du public. Au regard des idées reçues d’un certain nombre de rédactrices et rédacteurs en chef à l’égard des articles qui portent la signature de patientes et patients partenaires1, des conditions de publication que l’International Committee of Medical Journal Editors impose à ces personnes en cas de participation à des projets de mobilisation ou de recherche axée sur le patient2 et plus récemment d’une étude centrée sur les articles scientifiques en copublication par des patientes et patients partenaires3, nous estimons que le temps est venu de traiter le sujet. Dans les paragraphes qui suivent, nous exprimons notre position sur une situation en constante évolution, offrons des recommandations aux équipes souhaitant s’appuyer sur des auteures et auteurs présentant un tel profil et lançons un appel à l’action à l’intention des rédactions des revues scientifiques.

Les personnes qui souhaitent publier des articles en qualité de patientes, patients ou membres du public devraient être libres de choisir l’affiliation qui correspond à leur situation. À l’heure actuelle, nombre d’entre elles sont affiliées à l’organisation de patients qui les représente ou à l’établissement qui pilote le projet de recherche auquel elles participent. Si cette affiliation reflète dans certains cas la véritable nature des rapports établis, nous considérons que cela ne concerne pas l’ensemble des patientes, patients ou membres du public qui écrivent des articles et que ces personnes sont en droit de ne pas être affiliées à un établissement. Cette procédure n’est d’ailleurs pas toujours la voie à suivre. Si les établissements responsables des projets mis en exergue dans un article scientifique rémunèrent parfois les patientes, patients ou membres du public qui y ont participé, cela ne signifie en effet pas pour autant qu’ils le font dans le cadre d’un contrat de travail ou qu’ils accordent à ces personnes une autorisation d’agir ou de s’exprimer en leur nom. En de telles circonstances, considérer qu’il existe une relation d’affiliation serait pour le moins inexact. De plus, la plupart des patientes et patients partenaires apportent des points de vue uniques aux équipes qui sollicitent leur aide et perçoivent la copublication d’un article comme une forme de récompense et de reconnaissance des efforts qu’elles déploient au service de la recherche. Une affiliation à l’établissement responsable du projet pourrait en ce sens entraver leur sentiment d’indépendance intellectuelle.

À la lumière de ces observations, nous recommandons que les patientes, patients et membres du public participant à la rédaction d’articles scientifiques aient la liberté de choisir leur affiliation en toute indépendance et qu’il revienne à l’auteure principale ou à l’auteur principal de ces articles de la leur offrir. Nous avons récemment remarqué que les noms de « patient partenaire », de « patient partenaire à la recherche » 4,5 et même du lieu de résidence6 figurent parmi les affiliations choisies. Les termes « partenaire du public »7 et « patient indépendant ou partenaire du public » méritent également considération. Dans les cas où l’affiliation de patientes, patients ou membres du public à un établissement est parfaitement légitime, nous estimons que la reconnaissance en bonne et due forme de leur contribution à la rédaction de l’article publié est tout aussi importante3.

Nous nous exprimons sur ce sujet en raison de l’importance que nous accordons à la science de la mobilisation et de l’implication du public, des patientes et des patients dans la recherche. Cette approche vit ses premières heures, mais il est d’ores et déjà essentiel de prendre conscience que les processus et systèmes de publication actuels sont particulièrement rigides à l’encontre des personnes qui ne possèdent pas d’affiliation. À mesure que la mobilisation du public, des patientes et des patients dans la recherche, les pratiques de soins et les politiques de santé prendra de l’ampleur, il deviendra essentiel de disposer de moyens permettant d’évaluer précisément leur contribution aux travaux menés. Les outils actuels, qui suivent le modèle GRIPP8 et GRIPP29 , prouvent leur utilité, tout comme les approches simples consistant à offrir, dans la section Contributions des articles, des informations sur l’identité et l’apport des patientes, patients et membres du public à leur rédaction. Malgré son importance, nous notons néanmoins que cette section est généralement placée à la fin des articles et tend à ne pas attirer l’œil du lectorat, raison pour laquelle nous recommandons qu’elle bénéficie d’une meilleure exposition sur la première page. Une telle décision en faveur du public, des patientes et des patients qui participent à la recherche permettrait de souligner sans équivoque leurs contributions, ce qui, en l’état actuel des choses, serait une petite révolution10, d’autant plus que l’absence de consensus autour de la question de la mise en évidence du statut de patiente, de patient ou de membre du public dans la copublication d’articles se traduit par une sous-estimation de leur nombre réel et donne en outre l’impression que ces personnes ne possèdent pas les compétences requises pour écrire des articles ou que l’exercice ne les intéresse tout simplement pas, ce qui dénote un décalage net avec la réalité que nous observons.

Dans ce contexte, nous appelons l’ensemble des rédactions des revues scientifiques à mettre au point une approche qui accordera aux personnes qui contribuent à la publication d’articles à titre de patientes, de patients et de membres du public la liberté de choisir leur affiliation. Au minimum, les logiciels de soumission d’articles scientifiques devraient offrir à ces personnes la possibilité de sélectionner le type d’affiliation qui correspond à leur situation. Bien que l’exercice soit plus complexe, l’idéal serait toutefois d’établir des lignes directrices à l’intention des auteures principales et auteurs principaux qui publient leurs articles en collaboration avec des patientes, des patients ou des membres du public. Des approches adaptées aux besoins des établissements universitaires, des organismes du secteur commercial et des services de santé qui proposent des possibilités d’affiliation justes pourraient également être étudiées.

Références

  1. Cobey, K.D., Monfaredi, Z., Poole, E. et al. Editors-in-chief perceptions of patients as (co) authors on publications and the acceptability of ICMJE authorship criteria: a cross-sectional survey. Res Involv Engagem 7, 39 (2021). https://doi.org/10.1186/s40900-021-00290-1
  2. Richards, D.P., Birnie, K.A., Eubanks, K. et al. Guidance on authorship with and acknowledgement of patient partners in patient-oriented research. Res Involv Engagem 6, 38 (2020). https://doi.org/10.1186/s40900-020-00213-6
  3. Oliver, J., Lobban, D., Dormer, L. et al. Hidden in plain sight? Identifying patient-authored publications. Res Involv Engagem 8, 12 (2022). https://doi.org/10.1186/s40900-022-00346-w
  4. Richards, D.P., Jordan, I., Strain, K., Press, Z. Patients as Partners in Research: How to Talk About Compensation With Patient Partners, Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 50, 8 (2020). https://www.jospt.org/doi/10.2519/jospt.2020.0106
  5. Richards, D.P., Cobey, K.D., Proulx, L. et al. Identifying potential barriers and solutions to patient partner compensation (payment) in research. Res Involv Engagem 8, 7 (2022). https://doi.org/10.1186/s40900-022-00341-1
  6. Tembo D, Hickey G, Montenegro C, Chandler D, Nelson E, Porter K et al. Effective engagement and involvement with community stakeholders in the co-production of global health research BMJ 2021; 372 :n178 doi:10.1136/bmj.n178
  7. Newlands, R., Duncan, E., Presseau, J. et al. Why trials lose participants: A multitrial investigation of participants’ perspectives using the theoretical domains framework. J. Clin. Epidemiol. March 12, 2021, https://doi.org/10.1016/j.jclinepi.2021.03.007
  8. Staniszewska, S., Brett, J., Mockford, C., & Barber, R. (2011). The GRIPP checklist: Strengthening the quality of patient and public involvement reporting in research. International Journal of Technology Assessment in Health Care, 27(4), 391-399. doi:10.1017/S0266462311000481
  9. Staniszewska S, Brett J, Simera I, Seers K, Mockford C, Goodlad S et al. GRIPP2 reporting checklists: tools to improve reporting of patient and public involvement in research BMJ 2017; 358 :j3453 doi:10.1136/bmj.j3453
  10. Public Involvement in Research Impact Toolkit (PIRIT). See section on ‘The difference public contributors make to the research outcomes and dissemination of results’https://www.cardiff.ac.uk/marie-curie-research-centre/patient-and-public-involvement/public-involvement-in-research-impact-toolkit-pirit

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